L’avis du « Monde » : pourquoi pas
L'époque où les films du cinéaste canadien Atom Egoyan nous envoûtaient semble révolue. L'âme humaine, et sa nature insondable, offrait, dans ses premières fictions, la matière à des études fascinantes (Exotica, Calendar, The Adjuster). Depuis De beaux lendemains (1997), salué par la critique et nommé aux Oscars, le conteur virtuose s'est dissout. La complexité de ses récits, leur aura mystérieuse s'anéantissent dorénavant dans l'académisme et les circonvolutions moralisatrices. Captives poursuit la même veine mais signale une légère embellie. On lit, dans cette histoire de kidnapping d'enfant, le désir de renouer avec une première manière inspirée. Cousin de De beaux lendemains, Captives est traversé par les mêmes inquiétudes de père de famille et s'enracine de nouveau dans un décor enneigé.
Il y est moins question de deuil ici que de la plaie béante laissée par la disparition d'une enfant, arrachée à ses parents par un pédophile. Il aura suffi, pour que la tragédie survienne, de quelques minutes d'inattention de la part d'un père imprudent. Ce patriarche défaillant est interprété par l'acteur canadien, Ryan Reynolds. Employé dans un registre grave, après le blockbuster X-Men Origins ou l'irrévérencieuse comédie Ted, il compose de manière plutôt convaincante un père brisé par la culpabilité, thème cher à Atom Egoyan. Au cours des années qui suivent le rapt, sa femme ne lui a pas pardonné sa négligence. Le couple s'est disloqué et l'enquête piétine. Elle est menée par une femme flic (Rosario Dawson), elle-même hantée par un passé traumatisant.
Récit d’un double emprisonnement
Le film est le récit d'un double emprisonnement, d'où le titre au pluriel. Il y a, d'une part, une mère inconsolable et de l'autre, sa fille condamnée à la regarder souffrir, par écran interposé. Un dispositif pervers, imaginé par le ravisseur. Les personnages sont tous, de manière générale, enfermés dans leur douleur et la quête éperdue d'une vérité qui se dérobe. Que le monstre soit tapi au sein de la communauté, sous les traits quelques peu caricaturaux d'un prédateur raffiné, ajoute au trouble. Atom Egoyan donne, au mal, un visage ordinaire et montre que des forces néfastes agissent en toute impunité, dans un environnement familier. Internet cristallise également ses angoisses. Mais à énoncer des évidences sur le média, le réalisateur arrive bien après tout le monde.
Inspiré de l'affaire Nathascha Kampusch, Captives foisonne d'intrigues secondaires. Autant de chemins parallèles qui complexifient à outrance un film, axé de nouveau sur la perte. A l'image du décor hivernal où il s'installe, Captives est un film engourdi, cadenassé par son dispositif sophistiqué dont Atom Egoyan ne tire aucun profit. Son dédale narratif, qui convoite le trouble et la noirceur, ne fait guère illusion et aboutit à un récit embrouillé. Il est loin le temps où le réalisateur se faisait l'observateur lucide de ses contemporains. Il a conservé l'empathie mais a perdu le mystère.
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